...И не убоюсь ветра от Великого Моря...
читать дальшеDans la Bible, les « nations » – traduction franзaise du terme grec d'ethnos (nation, peuple, famille ou toute multitude issue d'une mкme parentй) – dйsignent les peuples paпens. Lorsque saint Paul utilise l’exprеssion Eglises des nations (Rm 16,4), il dйsigne les communautйs chrйtiennes йtablies hors de la terre d’Israлl et signifie ainsi que l’Eglise de l’Ancien Testament, celle du peuple hйbreu, est devenue l’Eglise des baptisйs de toutes nations. Or, l’universalitй de l’Eglise est indissociable de son unitй : « Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme ; car tous vous кtes un en Jйsus Christ » (Ga 3,28 ; Co 3,11). Saint Paul formule ainsi, non pas un concept idйologique, mais l’expйrience vйcue de l’Eglise. C’est pourquoi l’Eglise chrйtienne – communautй de fidиles unis par et autour du Christ – s’est spontanйment constituйe en Eglises locales de juridictions territoriales, rйunissant tous les baptisйs d’un mкme lieu, de toutes origines ethniques et de toutes langues : au sein de chaque citй dans l’empire romain (Eglises de Corinthe, de Rome, d'Ephиse…) ou par province ou pays, lа oщ le tissu urbain йtait peu dйveloppй (Eglises d’Armйnie, de Perse, de Gйorgie, d’Albanie, de Gaule, d’Irlande…). Les limites des juridictions ecclйsiastiques suivaient gйnйralement les frontiиres administratives et politiques : l’Armйnie occidentale entra ainsi naturellement sous la juridiction de l’Eglise grecque lorsque l’empire romain l’annexa en deux йtapes, entre 69 et 79 pour l’Armenia minor, puis en 387 pour l’Armenia magna. Inversement, l’Eglise d’Armйnie exerзait sa juridiction sur l’ensemble des communautйs chrйtiennes, armйniennes ou non, de la Persarmйnie (c’est-а-dire de l’Armйnie indйpendante mais sous tutelle perse), ainsi que sur les Eglises autonomes de Gйorgie et d’Albanie. L’Eglise йtant unie, les chrйtiens intйgraient l’Eglise du lieu oщ ils rйsidaient, comme les saintes hripsimiennes, romaines, qui, en cherchant refuge en Armйnie, passиrent de la juridiction de l’Eglise de Rome а celle de l’Eglise d’Armйnie, dont elles devinrent des figures majeures. Pareille organisation territoriale permettait tout а la fois l’unitй, l’universalitй et la spйcificitй. Membres d’une mкme Eglise, chaque communautй s’enracinait et transmettait l’enseignement du Christ dans la langue et la culture du lieu, avec les intonations qui lui йtaient propres.
Les schismes portиrent les premiers coups au principe de territorialitй : sur un mкme territoire, йmergиrent des communautйs confessionnelles. L’Eglise byzantine йtendit ainsi sa juridiction aux communautйs chalcйdoniennes de Persarmйnie. Plus tard, l’Eglise catholique mit tout en њuvre pour diviser et rallier les fidиles des Eglises de l’Orient chrйtien (uniatisme), crйant notamment une Eglise catholique armйnienne. De ce premier йclatement du principe de territorialitй, date la juridiction extraterritoriale et confessionnelle des Eglises chrйtiennes, exerзant chacune leur juridiction sur leurs communautйs respectives, oщ qu’elles se trouvent. Nous n’avons pas toujours conscience que ce schйma, fruit de la division et du pйchй, est contraire а l’unitй de l’Eglise, et qu’il perdure notamment parce que les divergences entre Eglises sont encore nombreuses et, pour certaines, rйellement fondйes.
Les divergences confessionnelles constituиrent le principal obstacle а l’unitй jusqu’а la fin du XVIIe siиcle, lorsque se rйpandit le concept d’Eglise nationale. Ebauchй un siиcle plus tфt en Europe occidentale pour servir les monarchies contre l’autoritй pontificale, il fut introduit par trois mouvements prйcurseurs : l'anglicanisme, nй en 1533 de la rupture entre le pape de Rome et Henri VIII, lequel exigea de son clergй qu'il lui prкta serment en ces termes : " Nous reconnaissons que Sa Majestй est le seul protecteur et le maоtre suprкme et que, autant que la loi du Christ le permet, Elle est le chef suprкme de l'Eglise anglaise et de son clergй ". Au sein du catholicisme allemand ensuite, le josйphisme, initiй par Nicolas de Hontheim, coadjuteur de l'archevкque de Trкves et tкte pensante des йvкques allemands qui prйtendaient s’affranchir de la juridiction pontificale. Enfin, le gallicanisme, apparu en France en vue d’instituer "une Eglise nationale fondйe sur la doctrine conciliariste et oщ la juridiction laпque se substituerait а l'autoritй du pouvoir spirituel." Si ce n’est pour l’Eglise anglicane, le concept d’Eglise nationale n’eut qu’un succиs temporaire au sein de l’Eglise catholique. Il йtait pourtant susceptible d’кtre rйcupйrй par les idйologies nationales йmergentes, afin de faire de l’Eglise un instrument de l’йdification d’une Nation mythifiйe et conзue comme une entitй dйsincarnйe et absolue. En Europe occidentale, les aspirations nationales йtaient trop hostiles а la « religion » pour faire du christianisme un йlйment de la nouvelle identitй nationale, et ce n’est que plus tard que les nationalismes rencontrиrent un vйritable succиs parmi les populations catholiques. En Europe orientale, en terre orthodoxe, le concept d’Eglise nationale eut en revanche une vйritable postйritй : dиs le dйbut du XIXe siиcle, alors que la Grиce et l’Europe centrale luttaient pour йdifier leur propre Nation fondйe sur le triptyque « un peuple, un Etat, une Eglise », on assista а un dйmembrement intentionnel et mйthodique de l’Eglise orthodoxe, tentant de briser son unitй pour s’approprier ses communautйs territoriales et en faire des Eglises incorporйes а des ordres nationaux hermйtiques. L’Eglise orthodoxe rйagit lors du Grand Synode qui se tint а Constantinople le 10 septembre 1872, alors que les Bulgares envisageaient de crйer une Eglise nationale, donc sans limites gйographiques prйcises et exerзant une juridiction universelle et extraterritoriale. Son exposй mйrite d’кtre citй, tant il est explicite : " Le phylйtisme, c'est-а-dire la distinction fondйe sur la diffйrence d'origine ethnique et de langue, et la revendication ou l'exercice de droits exclusifs de la part d'individus et de groupes d'hommes de mкme pays et de mкme sang, peut avoir quelques fondements dans les Etats sйculiers, mais [...] dans l'Eglise chrйtienne, qui est une communion spirituelle destinйe par son chef et fondateur а comprendre toutes les nations dans l'unique fraternitй du Christ, le phylйtisme est quelque chose d'йtranger et de totalement incomprйhensible. La formation, dans un mкme lieu, d'Eglises "particuliиres" fondйes sur la race, ne recevant que les fidиles d'une mкme ethnie, excluant tous ceux des autres ethnies, et dirigйes par les seuls pasteurs de mкme race, comme le prйtendent les adeptes du phylйtisme, est un йvйnement sans prйcйdent. "
L’Eglise apostolique armйnienne fut fondйe comme une Eglise territoriale au sein de l’Eglise universelle, par les apфtres Thaddйe et Bartholomй. Toute l’њuvre de saint Grйgoire l’Illuminateur et de ses successeurs fut de renforcer l’ancrage des chrйtiens d’Armйnie dans l’Eglise universelle, et ce malgrй leur isolement imposй par les occupants successifs. L’Eglise apostolique armйnienne demeure officiellement fidиle а cette ecclйsiologie vivifiante reзue des apфtres et des Pиres ; son premier souci fut et demeure de porter en elle la plйnitude de l'Eglise universelle dont elle est pleinement membre. Si l’йpreuve du confessionnalisme et la tentation du nationalisme ne l’йpargnent pas plus que les autres communautйs ecclйsiales, il est pourtant nйcessaire de rappeler avec force et vigueur que le concept d’Eglise nationale lui est йtranger, particuliиrement lorsqu’il est employй а dessein pour l’assujettir а une idйologie de la Nation. Les fidиles doivent en comprendre la signification profonde et en mesurer les consйquences sur leur fidйlitй а l’enseignement du Christ. Notre Symbole de la foi, qui йnonce tous les points fondamentaux de la foi chrйtienne, affirme explicitement que nous croyons « en l’Eglise une, sainte, universelle et apostolique », affirmation partagйe par les Symboles de toutes les Eglises chrйtiennes. Or, l’unitй de l’Eglise, qui nous est commandйe par le Christ et а laquelle њuvra si ardemment saint Nersиs Chnorhali, ne sera pas retrouvйe tant que l'йpreuve du confessionnalisme et la tentation du phylйtisme demeureront.
Les schismes portиrent les premiers coups au principe de territorialitй : sur un mкme territoire, йmergиrent des communautйs confessionnelles. L’Eglise byzantine йtendit ainsi sa juridiction aux communautйs chalcйdoniennes de Persarmйnie. Plus tard, l’Eglise catholique mit tout en њuvre pour diviser et rallier les fidиles des Eglises de l’Orient chrйtien (uniatisme), crйant notamment une Eglise catholique armйnienne. De ce premier йclatement du principe de territorialitй, date la juridiction extraterritoriale et confessionnelle des Eglises chrйtiennes, exerзant chacune leur juridiction sur leurs communautйs respectives, oщ qu’elles se trouvent. Nous n’avons pas toujours conscience que ce schйma, fruit de la division et du pйchй, est contraire а l’unitй de l’Eglise, et qu’il perdure notamment parce que les divergences entre Eglises sont encore nombreuses et, pour certaines, rйellement fondйes.
Les divergences confessionnelles constituиrent le principal obstacle а l’unitй jusqu’а la fin du XVIIe siиcle, lorsque se rйpandit le concept d’Eglise nationale. Ebauchй un siиcle plus tфt en Europe occidentale pour servir les monarchies contre l’autoritй pontificale, il fut introduit par trois mouvements prйcurseurs : l'anglicanisme, nй en 1533 de la rupture entre le pape de Rome et Henri VIII, lequel exigea de son clergй qu'il lui prкta serment en ces termes : " Nous reconnaissons que Sa Majestй est le seul protecteur et le maоtre suprкme et que, autant que la loi du Christ le permet, Elle est le chef suprкme de l'Eglise anglaise et de son clergй ". Au sein du catholicisme allemand ensuite, le josйphisme, initiй par Nicolas de Hontheim, coadjuteur de l'archevкque de Trкves et tкte pensante des йvкques allemands qui prйtendaient s’affranchir de la juridiction pontificale. Enfin, le gallicanisme, apparu en France en vue d’instituer "une Eglise nationale fondйe sur la doctrine conciliariste et oщ la juridiction laпque se substituerait а l'autoritй du pouvoir spirituel." Si ce n’est pour l’Eglise anglicane, le concept d’Eglise nationale n’eut qu’un succиs temporaire au sein de l’Eglise catholique. Il йtait pourtant susceptible d’кtre rйcupйrй par les idйologies nationales йmergentes, afin de faire de l’Eglise un instrument de l’йdification d’une Nation mythifiйe et conзue comme une entitй dйsincarnйe et absolue. En Europe occidentale, les aspirations nationales йtaient trop hostiles а la « religion » pour faire du christianisme un йlйment de la nouvelle identitй nationale, et ce n’est que plus tard que les nationalismes rencontrиrent un vйritable succиs parmi les populations catholiques. En Europe orientale, en terre orthodoxe, le concept d’Eglise nationale eut en revanche une vйritable postйritй : dиs le dйbut du XIXe siиcle, alors que la Grиce et l’Europe centrale luttaient pour йdifier leur propre Nation fondйe sur le triptyque « un peuple, un Etat, une Eglise », on assista а un dйmembrement intentionnel et mйthodique de l’Eglise orthodoxe, tentant de briser son unitй pour s’approprier ses communautйs territoriales et en faire des Eglises incorporйes а des ordres nationaux hermйtiques. L’Eglise orthodoxe rйagit lors du Grand Synode qui se tint а Constantinople le 10 septembre 1872, alors que les Bulgares envisageaient de crйer une Eglise nationale, donc sans limites gйographiques prйcises et exerзant une juridiction universelle et extraterritoriale. Son exposй mйrite d’кtre citй, tant il est explicite : " Le phylйtisme, c'est-а-dire la distinction fondйe sur la diffйrence d'origine ethnique et de langue, et la revendication ou l'exercice de droits exclusifs de la part d'individus et de groupes d'hommes de mкme pays et de mкme sang, peut avoir quelques fondements dans les Etats sйculiers, mais [...] dans l'Eglise chrйtienne, qui est une communion spirituelle destinйe par son chef et fondateur а comprendre toutes les nations dans l'unique fraternitй du Christ, le phylйtisme est quelque chose d'йtranger et de totalement incomprйhensible. La formation, dans un mкme lieu, d'Eglises "particuliиres" fondйes sur la race, ne recevant que les fidиles d'une mкme ethnie, excluant tous ceux des autres ethnies, et dirigйes par les seuls pasteurs de mкme race, comme le prйtendent les adeptes du phylйtisme, est un йvйnement sans prйcйdent. "
L’Eglise apostolique armйnienne fut fondйe comme une Eglise territoriale au sein de l’Eglise universelle, par les apфtres Thaddйe et Bartholomй. Toute l’њuvre de saint Grйgoire l’Illuminateur et de ses successeurs fut de renforcer l’ancrage des chrйtiens d’Armйnie dans l’Eglise universelle, et ce malgrй leur isolement imposй par les occupants successifs. L’Eglise apostolique armйnienne demeure officiellement fidиle а cette ecclйsiologie vivifiante reзue des apфtres et des Pиres ; son premier souci fut et demeure de porter en elle la plйnitude de l'Eglise universelle dont elle est pleinement membre. Si l’йpreuve du confessionnalisme et la tentation du nationalisme ne l’йpargnent pas plus que les autres communautйs ecclйsiales, il est pourtant nйcessaire de rappeler avec force et vigueur que le concept d’Eglise nationale lui est йtranger, particuliиrement lorsqu’il est employй а dessein pour l’assujettir а une idйologie de la Nation. Les fidиles doivent en comprendre la signification profonde et en mesurer les consйquences sur leur fidйlitй а l’enseignement du Christ. Notre Symbole de la foi, qui йnonce tous les points fondamentaux de la foi chrйtienne, affirme explicitement que nous croyons « en l’Eglise une, sainte, universelle et apostolique », affirmation partagйe par les Symboles de toutes les Eglises chrйtiennes. Or, l’unitй de l’Eglise, qui nous est commandйe par le Christ et а laquelle њuvra si ardemment saint Nersиs Chnorhali, ne sera pas retrouvйe tant que l'йpreuve du confessionnalisme et la tentation du phylйtisme demeureront.
08.08.2006 в 14:21
mersi